endetté et libertin. — Henry, interrompant, affirme que, « malgré ces écarts de conduite », Esterhazy est « absolument digne d’intérêt » ; et que Picquart l’a accusé sans preuve. — Gonse continue : c’est à cause de ces défaillances que les Juifs ont choisi Esterhazy pour lui imputer le crime de Dreyfus. Accusation détestable « dont une longue et minutieuse enquête » a démontré la fausseté. Mais c’est un malade d’une nervosité excessive, aigri, capable de perdre la tête ; si la dénonciation de Scheurer le surprend à l’improviste, il est homme à gagner la frontière ou à se tuer : alors, tout croule ; de redoutables complications extérieures se produisent ; les plus grands malheurs vont s’abattre sur le pays et sur les chefs de l’armée. Il est donc nécessaire, conclut Gonse, de prévenir Esterhazy, de ne le laisser ni étrangler, ni s’affoler[1].
C’en était assez pour une première fois. Le cerveau de Du Paty va travailler sur cette idée que le plus brillant de ses titres de gloire est compromis, que son intérêt (donc l’intérêt de l’armée) exige de parer à un tel danger. Et les jours suivants, Henry et Gonse l’échauffèrent, accrurent ses inquiétudes[2].
IV
Henry ne confia à personne qu’il avait déjà averti Esterhazy et l’avait fait venir à Paris. Outre qu’il eût risqué d’éveiller des soupçons, il importait que les grands