eût dénoncé ensuite Cuers aux Allemands, c’était chose plausible ; il était nécessaire de suivre l’affaire[1].
Foucault vint quelques jours après à Paris et fit à Picquart un récit complet de son entretien avec Cuers[2]. Après lui avoir exposé ses craintes personnelles, Cuers, au cours de la conversation, avait raconté que l’État-Major allemand s’était toujours demandé pour qui travaillait Dreyfus. Le général de Schlieffen ne l’avait jamais employé ; très surpris par l’accusation portée contre cet officier, il s’était renseigné partout « pour savoir à qui cet homme appartenait ». De Bruxelles et d’ailleurs, on n’eut que des réponses négatives[3]. L’État-Major n’a à son service qu’un officier français, un chef de bataillon d’infanterie, « ou soi-disant tel », âgé de quarante à cinquante ans[4]. Cet espion a procuré à Schwarzkoppen, depuis deux ou trois ans, certains renseignements sur l’artillerie, mais de peu de valeur et, parfois, si singuliers qu’on pensa avoir affaire à un mystificateur ou à un provocateur. Schlieffen l’a remercié ; mais il a recommencé à fournir ; il a donné, récemment, des notes sur des questions
- ↑ Rennes, I. 423, Picquart.
- ↑ Cette visite de Cuers à Foucault eut lieu à la fin du mois de juin 1896. (Cass., II, 87, Picquart.)
- ↑ Cuers, dans une lettre du 15 juillet 1899, prétend avoir dit, « d’une façon solennelle », à Foucault : « Le capitaine Dreyfus est innocent comme le soleil ; jamais, au grand jamais, il n’a eu de relations avec n’importe quel attaché ou agent allemand. » La lettre est en allemand, mais cette phrase est en français.
- ↑ Lettre de Foucault au ministre de la Guerre, du 7 décembre 1898 : « Cuers me raconta que, bien qu’il disposât de beaucoup d’argent, le service des Renseignements allemand trouvait très difficilement des agents, mais que, cependant, il avait trouvé à Paris un officier supérieur français, ou soi-disant tel, qui était entré à leur service. » Etc.
Cuers au sujet de Dreyfus et d’Esterhazy. (Rennes, II, 16 ; lettres du 9 juin 1899 au ministre de la Guerre et du 11 juin au Président de la République.) Lajoux antidate cet entretien d’une année.