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Cassini et Maraldi sur les taches de ces satellites (voyez l’Histoire de l’Astronomie moderne, livre X, § XIII, et livre XI, § XVI) ; ce qui porterait à regarder cette égalité entre la rotation et la révolution comme une loi générale des Planètes secondaires.

Quoi qu’il en soit, comme le système de l’attraction universelle ne rend jusqu’à présent aucune raison de la rotation des Planètes autour de leurs axes, il n’en peut rendre aucune de l’égalité dont il s’agit. Le mouvement de rotation d’un corps est indépendant de son mouvement de translation ; ces deux mouvements résultent d’une impulsion primitive et arbitraire, et peuvent être par conséquent entre eux dans tel rapport que l’on veut. Si donc la rotation de la Lune est uniforme et parfaitement égale à sa révolution autour de la Terre, il est nécessaire de supposer que la vitesse de rotation primitive, imprimée à cette Planète, est exactement égale à sa vitesse moyenne de translation autour de la Terre ; et il est clair que cette égalité doit être tout à fait rigoureuse ; autrement la différence entre les angles décrits par les méridiens de la Lune autour de son axe et les angles parcourus en même temps par le centre de la Lune autour de la Terre irait continuellement en augmentant ; d’où il s’ensuivrait que cette Planète devrait à la longue présenter successivement ses faces à la Terre. Mais cette égalité rigoureuse n’est plus nécessaire si l’on suppose que le mouvement de rotation de la Lune soit sujet à quelques inégalités dépendantes de l’attraction de la Terre sur cette Planète supposée non sphérique. Il suffit en ce cas que la Lune ait reçu une vitesse de rotation primitive peu différente de sa vitesse moyenne de translation, et qu’ensuite l’action de la Terre détruise l’effet de cette petite différence, en empêchant le côté de la Lune qui est tourné vers la Terre de s’en écarter au delà d’un certain terme, à peu près comme l’action de la gravité retient autour de la perpendiculaire un pendule qui n’a reçu qu’une impulsion assez petite.

Cette manière d’expliquer pourquoi la Lune nous montre toujours à peu près la même face est assez simple et naturelle ; je l’avais déjà proposée dans mes Recherches sur la libration de la Lune présentées à l’Académie des Sciences de Paris en 1763 [voyez le tome IX des Prix de cette