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naires des tangentes, et demandant des méthodes et des artifices particuliers qui ne se présentent pas facilement, il paraissait très-propre à embarrasser tous ceux qui n’auraient pas inventé eux-mêmes le Calcul infinitésimal, ou qui du moins ne le posséderaient pas comme s’ils l’eussent inventé. Newton, à qui le défi était indirectement adressé, était aussi plus en état que personne d’y satisfaire mais l’esquisse de solution qu’il a cru pouvoir en donner en deux mots dans les Transactions philosophiques de 1716 ne prouve, ce me semble, autre chose, sinon qu’il n’en avait pas connu les difficultés. Taylor est, à proprement parler, le seul parmi les Anglais qui ait résolu le Problème des trajectoires d’une manière suffisante ; mais sa méthode, fondée sur les séries, est indirecte et peu lumineuse. Nicolas Bernoulli et Hermann en ont donné des solutions plus satisfaisantes et plus générales, qu’on peut lire dans le second volume des Œuvres de Jean Bernoulli. Enfin feu M. Euler, pour réveiller l’attention des Géomètres sur les trajectoires qu’on avait presque déjà oubliées, a donné dans les derniers volumes des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg une nouvelle Théorie qui paraît ne rien laisser à désirer sur cette matière.

Quoique la question des trajectoires ne soit dans le fond que de pure curiosité, on aurait tort cependant de regarder les recherches dont nous venons de parler comme des spéculations arides et inutiles ; il faut même convenir que peu de Problèmes ont autant contribué que celui-ci à l’avancement et à la perfection de l’Analyse. La méthode de différentier sous le signe et de trouver les équations nommées modulaires, où l’on suppose le paramètre variable ; les Théorèmes sur les équations de condition pour l’intégrabilité des équations différentielles du premier ordre à deux variables, et pour la possibilité de celles à trois variables, sont autant de Théories dont on est redevable au Problème des trajectoires ; et l’on sait que ces Théories ont été le germe des plus belles découvertes analytiques qui aient été faites dans ce siècle.

Par ces raisons j’ai cru qu’il ne serait pas inutile d’attirer de nouveau les regards des Géomètres sur ce Problème, en le traitant d’une manière nouvelle et sous un point de vue plus étendu qu’on ne l’a fait. On n’avait