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D’ALEMBERT À LAGRANGE.
Je vous envoie, mon cher et illustre ami, le prospectus que nous venons de publier pour le prix de 1778[1]. Vous avez pu apprendre récemment par les nouvelles publiques que le prix avait été remis, et franchement, toutes réflexions faites, il nous a paru que la pièce envoyée de Pétersbourg, quel qu’en soit l’auteur (ou Euler le père, ou Euler le fils, ou Lexell, ou XX) n’était pas assez bonne pour l’obtenir. Vous en verrez les raisons en abrégé dans le prospectus, et, dût-on se plaindre encore à Pétersbourg, comme on a déjà fait dans d’autres occasions, et dire que nous réservons les prix pour Berlin et pour vous, nous ne pouvons en conscience avoir aucun scrupule sur cette remise.
Je compte donc sur la promesse que vous m’avez faite de travailler à ce sujet ; vous verrez par le prospectus que nous ne vous demandons point de ces calculs arithmétiques qui pourraient vous rebuter. Travaillez donc, et ajoutez ce nouveau laurier à tous ceux dont vous êtes déjà si couvert, et à si juste titre.
J’avais plus de désir que d’espérance de pouvoir vous embrasser cette année ; cette espérance est aujourd’hui totalement anéantie. Outre que la rigueur de cet hiver a encore diminué ce qui me restait de santé et de force, outre qu’il m’est impossible en ce moment de quitter Paris pour quelques affaires indispensables qui m’y retiennent, je passe mes tristes journées auprès d’une ancienne amie malade, languissante et dans le plus grand danger, qui a besoin de consolation, de société et de secours, et qu’il m’est impossible d’abandonner[2]. Plaignez-moi