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MÉCANIQUE ANALYTIQUE

peut-être le premier qui l’ait aperçue dans le levier et dans les poulies mobiles ou moufles. Galilée l’a reconnue ensuite dans les plans inclinés et dans les machines qui en dépendent, et il l’a regardée comme une propriété générale de l’équilibre des machines. (Voir son Traité de Mécanique et le scolie de la seconde proposition du troisième Dialogue, dans l’édition de Bologne de 1655.)

Galilée entend par moment d’un poids ou d’une puissance appliquée à une machine l’effort, l’action, l’énergie, l’impetus de cette puissance pour mouvoir la machine, de manière qu’il y ait équilibre entre deux puissances, lorsque leurs moments pour mouvoir la machine en sens contraires sont égaux ; et il fait voir que le moment est toujours proportionnel à la puissance multipliée par la vitesse virtuelle, dépendante de la manière dont la puissance agit.

Cette notion des moments a aussi été adoptée par Wallis, dans sa Mécanique publiée en 1669. L’auteur y pose le principe de l’égalité des moments pour fondement de la Statique, et il en déduit au long la théorie de l’équilibre dans les principales machines.

Aujourd’hui on n’entend plus communément par moment que le produit d’une puissance par la distance de sa direction à un point, ou à une ligne, ou à un plan, c’est-à-dire par le bras de levier par lequel elle agit ; mais il me semble que la notion du moment donnée par Galilée et par Wallis est bien plus naturelle et plus générale, et je ne vois pas pourquoi on l’a abandonnée pour y en substituer une autre qui exprime seulement la valeur du moment dans certains cas, comme dans le levier, etc.

Descartes a réduit pareillement toute la Statique à un principe unique qui revient, pour le fond, à celui de Galilée, mais qui est présenté d’une manière moins générale. Ce principe est, qu’il ne faut ni plus ni moins de force pour élever un poids à une certaine hauteur, qu’il en faudrait pour élever un poids plus pesant à une hauteur d’autant moindre, ou un poids moindre à une hauteur d’autant plus grande (voir la Lettre 73 du tome Ier publié en 1657, et le Traité de Mécanique imprimé dans les Ouvrages posthumes). D’où il résulte qu’il y aura