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MÉCANIQUE ANALYTIQUE

ment de plusieurs corps qui exercent les uns sur les autres une attraction mutuelle, suivant une loi qui soit une fonction connue des distances enfin il n’est pas difficile de les étendre aux mouvements dans des milieux résistants, ainsi qu’à ceux qui se font sur des surfaces courbes données, car la résistance du milieu n’est autre chose qu’une force qui agit dans une direction opposée à celle du mobile ; et lorsqu’un corps est forcé de se mouvoir sur une surface donnée, il y a nécessairement une force perpendiculaire à la surface qui l’y retient, et dont la valeur inconnue peut se déterminer d’après les conditions qui résultent de la nature même de la surface.

Mais, si l’on cherche le mouvement de plusieurs corps qui agissent les uns sur les autres par impulsion ou par pression, soit immédiatement comme dans le choc ordinaire, ou par le moyen de fils ou de leviers inflexibles auxquels ils soient attachés, ou en général par quelque autre moyen que ce soit, alors la question est d’un ordre plus élevé et les principes précédents sont insuffisants pour la résoudre. Car ici les forces qui agissent sur les corps sont inconnues, et il faut déduire ces forces de l’action que les corps doivent exercer entre eux, suivant leur disposition mutuelle, Il est donc nécessaire d’avoir recours à un nouveau principe qui serve à déterminer la force des corps en mouvement, eu égard à leur masse et à leur vitesse.

5. Ce principe consiste en ce que, pour imprimer à une masse donnée une certaine vitesse suivant une-direction quelconque, soit que cette masse soit en repos ou en mouvement, il faut une force dont la valeur[1] soit proportionnelle au produit de la masse par la vitesse

  1. Il faut entendre ici par valeur d’une force le produit de cette force par le temps pendant lequel elle agit, ou, plus généralement, l’intégrale du produit de l’élément du temps par l’intensité de la force. Le mot force est pris par Lagrange dans le même sens que Descartes adoptait quand il écrivait à Mersenne « J’ai parlé de la force qui sert pour lever un poids, laquelle a deux dimensions, non de celle qui sert en chaque point pour le soutenir, laquelle n’a qu’une dimension : » (Édition de M. Cousin, t. VI. p. 329.) On comprend quelle confusion doit apporter dans les raisonnements cette double signification du mot force : Les géomètres y ont heureusement renoncé et l’on n’entend plus aujourd’hui par force qu’un effort exprimable en kilogrammes. (J. Bertrand.)