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MÉCANIQUE ANALYTIQUE

Or Stevin remarque qu’en supposant que la chaîne puisse glisser librement sur le triangle, elle doit cependant demeurer en repos ; car, si elle commençait à glisser d’elle-même dans un sens, elle devrait continuer à glisser toujours, puisque la même cause de mouvement subsisterait, la chaîne se trouvant, à cause de l’uniformité de ses parties, placée toujours de la même manière sur le triangle ; d’où résulterait un mouvement perpétuel, ce qui est absurde.

Il y a donc nécessairement équilibre entre toutes les parties de la chaîne ; or on peut regarder la portion qui pend au-dessous de la base comme étant déjà en équilibre d’elle-même. Donc il faut que l’effort de tous les poids appuyés sur l’un des côtés contrebalance l’effort des poids appuyés sur l’autre côté mais la somme des uns est à la somme des autres dans le même rapport que les longueurs des côtés sur lesquels ils sont appuyés. Donc il faudra toujours la même puissance pour soutenir un ou plusieurs poids placés sur un plan incliné, lorsque le poids total sera proportionnel à la longueur du plan, en supposant la hauteur la même : mais, quand le plan est vertical, la puissance est égale au poids ; donc, dans tout plan incliné, la puissance est au poids comme la hauteur du plan à sa longueur.

J’ai rapporté cette démonstration de Stevin, parce qu’elle est très ingénieuse et qu’elle est d’ailleurs peu connue. Au reste, Stevin déduit de cette théorie celle de l’équilibre entre trois puissances qui agissent sur un même point, et il trouve que cet équilibre a lieu lorsque les puissances sont parallèles et proportionnelles aux trois côtés d’un triangle rectiligne quelconque. (Voir les Éléments de Statique et les Additions à la Statique de cet auteur, dans les Hypomnemata mathematica, imprimés à Leyde en 1605, et dans les Œuvres de Stevin, traduites en français, et imprimées en 1634 par les Elzevirs.) Mais on doit observer que ce théorème fondamental de la Statique, quoiqu’il soit communément attribué à Stevin, n’a cependant été démontré par cet auteur que dans le cas où les directions de deux des puissances font entre elles un angle droit.

Stevin remarque avec raison qu’un poids appuyé sur un plan incliné,