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MÉCANIQUE ANALYTIQUE

ligne. Mais Huygens démontre que ce plan est aussi en équilibre sur une droite inclinée à celle-là, et passant par le point qui divise le levier primitif en parties réciproquement proportionnelles aux poids dont il est supposé chargé, parce qu’il fait voir que les petits poids se trouvent aussi placés à distances égales de part et d’autre de la même droite d’où il conclut que le plan et par conséquent le levier proposé doivent être en équilibre sur le même point.

Cette démonstration est ingénieuse, mais elle ne supplée pas entièrement à ce qu’on peut, en effet, désirer dans celle d’Archimède.


2. L’équilibre d’un levier droit et horizontal, dont les extrémités sont chargées de poids égaux, et dont le point d’appui est au milieu du levier, est une vérité évidente par elle-même ; parce qu’il n’y a pas de raison pour que l’un des poids l’emporte sur l’autre, tout étant égal de part et d’autre du point d’appui. Il n’en est pas de même de la supposition que la charge de l’appui soit égale à la somme des deux poids. Il paraît que tous les mécaniciens l’ont prise comme un résultat de l’expérience journalière, qui apprend que le poids d’un corps ne dépend que de sa masse totale, et nullement de sa figure[1]. On peut néanmoins déduire cette vérité de la première, en considérant, comme Huygens, l’équilibre d’un plan sur une ligne.

Pour cela, il n’y a qu’à imaginer un plan triangulaire chargé de deux poids égaux aux deux extrémités de sa base, et d’un poids double à son sommet. Ce plan sera évidemment en équilibre, étant appuyé sur une ligne droite ou axe fixe, qui passe par le milieu des deux côtés du triangle ; car on peut regarder chacun de ces côtés comme un levier chargé dans ses deux extrémités de deux poids égaux, et qui a son point d’appui sur l’axe qui passe par son milieu. Maintenant on peut envisager cet équilibre d’une autre manière, en regardant la base

  1. D’Alembert est, je crois, le premier qui ait cherché à démontrer cette proposition mais la démonstration qu’il en a donnée dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1769 n’est pas entièrement satisfaisante. Celle que M. Fourier a donnée depuis dans le Ve Cahier du Journal de l’École Polytechnique est rigoureuse et très ingénieuse ; mais elle n’est pas tirée de la nature du levier.          (Note de Lagrange.)