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MÉCANIQUE ANALYTIQUE


4. Mais ces applications du principe des vitesses virtuelles étaient encore trop hypothétiques et, pour ainsi dire, trop lâches pour pouvoir servir à établir une théorie rigoureuse sur l’équilibre des fluides. Aussi ce principe a-t-il été abandonné depuis par la plupart des auteurs qui ont traité de l’Hydrostatique, et surtout par ceux qui ont entrepris de reculer les limites de cette science en cherchant les lois de l’équilibre des fluides hétérogènes, dont toutes les parties sont animées par des forces quelconques recherche très importante par le rapport qu’elle a avec la fameuse question de la figure de la Terre.

Huygens[1] a pris dans cette recherche, pour principe d’équilibre, la perpendicularité de la pesanteur à la surface. Newton[2] est parti du principe de l’égalité des poids des colonnes centrales. Bouguer[3] a remarqué ensuite que, souvent, ces deux principes ne donnaient pas le même résultat, et en a conclu que, pour qu’il y eût équilibre dans une masse fluide, il fallait que les deux principes y eussent lieu à la fois et s’accordassent à donner la même figure à la surface du fluide. Mais Clairaut[4] a démontré de plus qu’il peut y avoir des cas où cet accord ait lieu, et où cependant il n’y aurait point d’équilibre. Maclaurin[5] a généralisé le principe de Newton, en établissant que, dans une masse fluide en équilibre, chaque particule doit être comprimée également par toutes les colonnes rectilignes du fluide, lesquelles appuient sur cette particule et se terminent à la surface ; et Clairaut[6] l’a rendu plus général encore, en faisant voir que l’équilibre d’une masse fluide demande que les efforts de toutes les parties du fluide, renfermées dans un canal quelconque, aboutissant à la surface ou rentrant en lui-même, se détruisent mutuellement. Enfin il a déduit le premier de ce principe les vraies lois fondamentales de l’équilibre d’une masse fluide dont toutes les parties sont animées par des forces quelconques, et il a

  1. Voir Dissertatio de causa gravitatis, additamentum ; Opera posthuma, t. 1711, p. 116.
  2. Dans le livre des Principes, livre III, proposition 19.
  3. Mémoires de l’Académie des Science ; 1734.
  4. Théorie de la figure de la Terre, p. 28, 2e édition ; Paris, 1808.
  5. Traité des fluxions, t. II, p. 110. Traduction de Pezenas ; Paris, 1749.
  6. Théorie de la figure de la Terre.

    (Notes de M. J. Bertrand.)