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le mot connu de limite à ce que devient une expression analytique lorsqu’on y fait évanouir certaines quantités, parce que ces limites, après avoir décru jusqu’à zéro, pourraient encore devenir négatives. De même qu’en Géométrie, on ne peut pas dire à la rigueur que la soustangente soit la limite des sous-sécantes, parce que rien n’empêche la sous-sécante de croître encore lorsqu’elle est devenue sous-tangente.

Les véritables limites, suivant les notions des anciens, sont des quantités qu’on ne peut passer, quoiqu’on puisse s’en approcher aussi près que l’on veut ; telle est, par exemple, la circonférence du cercle à l’égard des polygones inscrit et circonscrit, parce que, quelque grand que devienne le nombre des côtés, jamais le polygone intérieur ne sortira du cercle, ni l’extérieur n’y entrera. Ainsi les asymptotes sont de véritables limites des courbes auxquelles elles appartiennent, etc.

Au reste je ne disconviens pas qu’on ne puisse, par la considération des limites envisagées d’une manière particulière, démontrer rigoureusement les principes du, Calcul différentiel, comme Maclaurin, d’Alembert et plusieurs auteurs après eux l’ont fait. Mais l’espèce de métaphysique que l’on est obligé d’y employer est sinon contraire, du moins étrangère à l’esprit de l’Analyse qui ne doit avoir d’autre métaphysique que celle qui consiste dans les premiers principes et dans les premières opérations fondamentales du calcul.

À l’égard de la méthode des fluxions, il est vrai qu’on ne peut considérer les fluxions que comme les vitesses avec lesquelles, les grandeurs varient, et y faire abstraction de toute idée mécanique ; mais la détermination analytique de ces vitesses dépend aussi, dans cette méthode, de la considération des quantités petites ou évanouissantes ; elle est par conséquent sujette aux mêmes difficultés que le Calcul différentiel.

Quand on approfondit ces différentes méthodes ou plutôt ces différentes manières d’envisager la même méthode, on trouve qu’elles n’ont d’autre but que de donner le moyen d’obtenir séparément les premiers termes du développement d’une fonction, en les détachant et les isolant, pour ainsi dire, du reste de la série, parce que tous les problèmes