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emploi. Cependant elle était encore restée vivante au xviie siècle, comme on le voit par des exemples bien connus : je m’en vas désaltérant (La Fontaine) ; cf. dans la langue moderne :


Un couplet qu’on s’en va chantant
Efface-t-il la trace altière
Du pied de nos chevaux marqués dans votre sang ? (Musset)

Les exemples sont très nombreux dans la Chanson de Roland : en voici une série, pris dans la même laisse.

Por un sol lievre vait tote jorn cornant.
Devant ses pers vait il ore gabant...
Car chevalchiez ; por qu’alez arrestant ? (Rol., 1780.)
Pour un seul lièvre il (Roland) va tout le jour cornant.
Devant ses pairs il se vante maintenant...
Chevauchez donc ; pourquoi vous arrêtez-vous ?
Son petit pas s’en tornet chancelant. (Rol., 2227.)
Il s’en revient à petits pas, en chancelant.
Fuiant s’en vint (Rol., 2784.) ; vient corant (Ibid., 2822.) ; S’en est tornét plorant (Ibid., 2839.).
Qui vint plorant, chantant l’en fait raler. (Alexis, 560.)
Si quelqu’un vint (= vient) en pleurant, il le fait repartir chantant.
Et cil s’en torne as esperons brochant. (Couronnement de Louis, 2456.)
Et celui-ci s’en retourne piquant des éperons.

Le gérondif des verbes marquant une action des sens, principalement de veoir et ouir, s’employait d’une manière absolue, comme complément circonstanciel.

Ex. :

Veant le roi : le roi voyant, sous ses yeux, devant lui.
Oyant le roi : le roi entendant, devant lui.
Fait son eslais, veant cent milie home. (Rol., 2997.)
Il fait son galop devant cent mille hommes.