l’aspect divers et à l’âme incertaine, qui furent chargés d’initier aux formes supérieures de la vie urbaine un peuple chez qui la vie rurale était plusieurs fois millénaire. Le bon sang latin pouvait être accru plutôt par certains de ces légionnaires qui passaient une partie de leur vie dans les camps du Danube et des Carpathes et qui, après leur congé définitif, y restèrent souvent auprès de leurs femmes daces et des enfants nés de leurs relations. Il y eut, en effet, un caractère militaire, de même qu’un caractère rural, dans le latin vulgaire qui devint, après nombre de mélanges ultérieurs, la langue roumaine : le vieillard, ce n’est pas habituellement le senex[1], mot qui d’ailleurs a disparu dans toutes les langues romanes, ni le vetelus, car vechiu s’applique seulement aux choses, mais, cas rare, le veteranus, bâtrîn[2].
La Dacie, qui fut partagée en trois provinces réunies sous la main d’un légat impérial, gagna, par la conquête romaine, un caractère nouveau. Deux civilisations coexistèrent sans se mélanger, la langue seule constituant entre elles un lien commun. Si les éléments ruraux déjà romanisés de la Péninsule balcanique purent désormais pénétrer librement dans les champs abandonnés par les barbares vaincus, tués ou mis en fuite et si les davae : Sucidava, Carpidava, Buridava, etc., reçurent un accroissement de population, leur aspect n’en fut pas essentiellement changé. Dans ces vici, ces pagi, dans ces territoires qu’on peut très bien
- ↑ M. Giuglea a relevé dans les anciens textes siurec, qui viendrait de senecus.
- ↑ Si au lieu de terra on a employé le mot pâmâni, de pavimentum, ce qui signifierait une prépondérance de la vie urbaine, il faut tenir compte de ce fait que « terra » ayant donné, en roumain seulement teara pour le pays, la patrie (le correspondant de paese, pays, manque), il a fallu trouver un autre terme pour le sol nourricier. Il est intéressant que lucrum, le gain, a le sens général de « chose ».