Page:Jonson-Volpone Epicene l alchimiste-1863.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
ACTE DEUXIÈME.

mouchoirs ; mais écoutez encore : la première personne héroïque qui daignera me gratifier d’un mouchoir, je lui donnerai un petit souvenir qui lui plaira plus que si je le lui présentais à la bouche d’un pistolet.

PÉRÉGRINE.

Sir Pol, serez-vous cet héroïque individu ? Ah ! voyez, on vous a devancé du haut de cette fenêtre.

(Célia jette son mouchoir.)
VOLPONE.

Madame, j’envoie mille baisers à votre bonté ; et, en retour de cette grâce que vous venez de faire à votre pauvre Scoto de Mantoue, je vous donne, en outre de cette huile merveilleuse, un secret d’une nature inestimable, qui doit vous faire adorer dans la même minute où votre œil daignera se fixer sur un être bien inférieur à vous, mais, cependant, digne d’être aimé : voyez cette poudre enfermée dans ce papier ; si j’en voulais dire la valeur et le mérite, neuf mille volumes seraient comme une seule page, cette page comme une ligne, cette ligne comme un mot : si court est le pèlerinage de l’homme qu’on appelle la vie ! Parlerai-je du prix ? Tout le globe ne serait qu’un empire, cet empire une province, cette province une banque, cette banque une bourse particulière, rien ne la payerait. Je veux seulement vous dire que cette poudre fit de Vénus une déesse, et lui avait été donnée par Apollon ; c’est cette poudre qui la rendit éternellement jeune, qui écarta de son front les rides, qui affermit ses gencives, tendit sa peau, dora sa chevelure ; Vénus donna cette poudre à Hélène ; et malheureusement elle se perdit au sac de Troie, jusqu’à nos jours où un