Page:Jonson-Volpone Epicene l alchimiste-1863.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
ACTE DEUXIÈME.

SIR POLITICK.

N’avais-je pas fait l’objection ?

PÉRÉGRINE.

Silence, monsieur.

VOLPONE.

Laissez-moi parler ; je n’ai pas froid à la plante des pieds, comme dit notre proverbe lombard ; et je ne suis pas disposé à vendre mes denrées à un prix moindre que de coutume ; ne vous y attendez pas ; ne croyez pas non plus que les calomnies de cet impudent détracteur, la honte de notre profession, (je parle d’Alessandro Buttone, qui a osé dire en public que j’étais condamné aux galères pour avoir empoisonné le cardinal Bembo, c’est-à-dire son cuisinier,) ne croyez pas que ces calomnies m’aient occupé, encore moins inquiété et découragé. Non, non, dignes gentilshommes ; à vous parler franchement, je ne puis tolérer la vue de ces canailles, de ces charlatans terre à terre qui étendent leurs manteaux sur le pavé sous le prétexte de faire des prodiges de souplesse, et qui, véritables impotents, vous récitent leurs contes moisis empruntés à Boccace, comme le vieux Tabarin le fabuliste<ref>Ben Jonson fait beaucoup d’honneur, en l’appelant fabuliste, à notre Tabarin, le bouffon de la troupe de Mondor, dont le théâtre était place Dauphine, et dont les lazzis ont été plusieurs fois imprimés.<\ref>. Que dirai-je de ces coquins qui racontent leurs voyages, et leur fastidieuse captivité dans les galères turques, qui ne sont autres, s’ils disaient la vérité, que des galères toutes chrétiennes, où ils ont mangé du pain sec et bu de l’eau, saine pénitence qui leur fut imposée par leurs confesseurs à cause de leurs friponneries ?