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ACTE PREMIER.

reconnaît plus personne, pas même ses amis ; il ne sait plus le nom du serviteur qui lui a donné son dernier repas ou sa dernière tisane. Il ne se rappelle plus ceux qu’il a engendrés ou élevés.

CORVINO.

Est-ce qu’il a des enfants ?

MOSCA.

Des bâtards, une douzaine, ou plus, qu’il a eus de mendiantes, de bohémiennes, de juives, de négresses, quand il était ivre. Ne le saviez-vous pas, monsieur ? C’est la fable de tout le monde. Le nain, le fou, l’eunuque, sont ses enfants. Il est le père de tous ceux qui le servent, excepté moi ; — ma foi, il ne leur a rien laissé.

CORVINO.

C’est bien, ah ! c’est bien. Mais es-tu sûr qu’il ne nous entend pas ?

MOSCA.

Sûr, monsieur ! jugez-en vous-même ! (Il crie à l’oreille de Volpone.) Plaise à la vérole de se compliquer avec vos autres maux, si elle doit vous envoyer plus tôt au diable, monsieur, en châtiment de votre incontinence, car elle l’a mérité, oui monsieur, elle l’a mérité, tout à fait, tout à fait ; et la peste par-dessus le marché. — (À Corvino.) Approchez donc, monsieur. — Que ne pouvez-vous enfin fermer vos sales yeux qui, par leur liqueur visqueuse, ressemblent à une grenouillère ! Quand ne verrons-nous plus ces joues pendantes que recouvre un vieux cuir au lieu de peau, (À corvino.) aidez-moi donc, monsieur ; — et qui ressemblent à de vieux torchons gelés ?…