Cette pièce fut jouée pour la première fois en 1610, et imprimée in-quarto, deux ans après, avec cette devise :
Neque, me ut miretur turba, laboro,
Contentus paucis laboribus.
En 1616, l’auteur l’inséra dans l’édition in-folio de ses œuvres, et comme la pièce d’Albumazar ou l’Astrologue, avait paru dans l’intervalle, il revendiqua son droit de priorité par cette citation :
Petere indè coronam,
Undè priùs nulli velarint tempora musae.
La pièce d’Albumazar, de tous points inférieure à l’Alchimiste, fut jouée à Cambridge en 1614.
Ben Jonson cite les acteurs chargés des principaux rôles. Lowin jouait admirablement celui de Mammon ; Taylor était célèbre dans celui de Face ; Robert Armyn, fameux pour ses rôles de clowns, remplissait sans doute le personnage de Drugger ; et enfin Cooke, qui était la principale héroïne de la scène d’alors, dut être une admirable Dol Common [1].
Malgré notre prédilection pour Volpone, nous comprenons que l’opinion balance entre ces deux très-remarquables comédies. Celle de l’Alchimiste a un mérite rare : c’est d’avoir contribué à corriger les abus que la science de l’alchimie avait fait naître à cette époque en Angleterre, plus peut-être qu’ailleurs. Le parlement avait fait un acte contre la transmutation des métaux, ce qui avait eu pour conséquence d’augmenter encore le nombre des imposteurs subalternes et celui des dupes, pour qui le mystère dont s’entouraient les fripons était un attrait de plus. Ben Jonson les dévoile, et bien que le dénoûment de sa pièce soit peu moral en apparence, il est constant qu’il ouvrit les yeux de beaucoup de pauvres diables, et les sauva de la ruine. C’est un résultat littéraire assez rare pour le constater. Gifford le compare à celui obtenu par Cervantès dans son Don Quichotte.
- ↑ Il faut se rappeler que ce ne fut qu’assez longtemps après la Restauration que les femmes furent admises à jouer sur la scène.
