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ACTE PREMIER.

Hollandais des pilules de beurre, et sans jamais se purger ; il y en a d’autres qui arrachent de leurs lits les pères de famille indigents pour les ensevelir vivants dans quelque aimable prison bien close, d’où leurs os ne pourront sortir que lorsque la chair sera pourrie ; mais votre douce nature abhorre ces façons d’agir ; vous répugnez à l’idée de voir la veuve et l’orphelin laver de leurs pleurs le pavé de votre palais, ou faire retentir vos toits de leurs sanglots pitoyables, et l’air de leurs cris de vengeance.

VOLPONE.

C’est vrai, Mosca, cela me répugne.

MOSCA.

Et en outre, monsieur, vous n’êtes pas semblable[1] au batteur en grange, qui, appuyé sur son lourd fléau, surveille le tas de ses blés, et, bien qu’affamé, n’ose pas en goûter un grain, mais se nourrit de mauve et d’herbes amères ; vous ne ressemblez pas au marchand qui, après avoir rempli ses caves avec les vins généreux de la Romagne et de Candie, ne boit pourtant que la lie du vinaigre lombard ; vous ne vous couchez pas sur la paille tandis que les mites et les vers rongent vos somptueuses tentures et vos lits moelleux : vous savez jouir de vos richesses, et vous savez en donner une part à moi, votre pauvre intendant, ou à votre nain, ou à votre hermaphrodite, ou à votre eunuque, ou au moindre dès serviteurs que votre bon plaisir daigne entretenir autour de vous.

VOLPONE.

Assez, Mosca ; reçois ceci de ma main. (Il lui donne de l’argent.)

  1. Imitation d’Horace.