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VOLPONE.

dû la rendre mère de vingt mille Cupidons. Telles sont tes beautés ! tel est notre amour ! Cher saint, dieu muet, tu fais parler tous les hommes ; tu n’agis pas, mais tu les fais agir tous. Tu es le prix des âmes ; l’enfer lui-même, avec toi pour but, vaut le ciel ; tu es la vertu, la renommée, l’honneur, tu es tout. Celui qui te possède sera noble, vaillant, honnête, sage[1]

MOSCA.

Et tout ce qu’il voudra, monsieur. La richesse est dans la vie un bien plus grand que la sagesse.

VOLPONE.

C’est vrai, mon bien-aimé Mosca ; cependant je me glorifie plus de l’habileté qui m’a valu ces trésors que de leur tranquille possession, car je n’emploie pas de moyens vulgaires ; je ne dois rien au commerce ni au hasard ; je ne fends pas la terre avec le soc des charrues ; je n’engraisse pas de bétail pour remplir les boucheries ; je n’ai ni usines pour le fer, ni moulins à broyer l’olive, ni manœuvres pour réduire mes blés en farine ; je ne souffle pas le verre subtil ; je n’expose pas des vaisseaux aux périls des mers tumultueuses ; je ne fais pas valoir mon argent dans les banques publiques ni dans l’usure privée.

MOSCA.

Non, monsieur, et vous ne dévorez pas le patrimoine des honnêtes gens prodigues. Il en est qui avalent un héritier fondant, aussi facilement qu’un

  1.                                                      Omnis enim res,
    Virtus, fama, decus, divina humanaque pulchris
    Divitiis parent : quas qui construxerit, ille
    Clarus erit, fortis, justus. — Sapiensne ? — Etiam ! et rex,
    Et quidquid volet.

    (Horace, lib. II, Sat. III.)

    Stertinius. En effet, toute chose, vertu, réputation, honneur, ce qui est de l’homme et ce qui est des Dieux, tout obéit aux belles richesses. Celui qui en amasse beaucoup sera illustre, courageux et juste.

    Damasippus. — Et sage aussi ?

    Stertinius. — Sans doute, et roi, et tout ce qu’il voudra être.