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ÉPICÈNE.

ÉPICÈNE.

Jugez-en.

MOROSE.

Sur mon âme, voilà une douceur divine ! Mais pouvez-vous naturellement, comme je l’ai enseigné à ces deux hommes par mon industrie, pouvez-vous chercher à pénétrer au fond de ma pensée, et, vous refusant le plaisir de parler, l’un des plus grands qu’ait la femme, vous résigner à ne me répondre que par des gestes silencieux, toutes les fois que mes paroles correspondront parfaitement à ce que vous aurez compris ? (Épicène fait des révérences.) Excellent ! divin ! Oh ! s’il était possible que cela durât ! — Silence, Cutbeard, tu auras fait ton bonheur, comme tu auras fait le mien, si cette félicité est durable ; mais je veux aller plus loin dans mon épreuve. Chère lady, je suis homme de cour, je vous le répète, et je désire que celle que je choisis pour ma compagne ait toujours, tout prêt pour mes oreilles, un festin de plaisantes et spirituelles conversations, un dessert de propos vifs, badins, légers, et mêlés de bons mots. — Les grandes dames se regardent comme blessées dans leur honneur, et outragées dans leur beauté, si un homme ne cherche pas l’occasion de leur faire la cour ; et, quand une conversation amoureuse est mise sur pied, elles croient qu’il n’y a pas de meilleur sujet pour la pousser à son terme que ce même homme. Eh bien ! seule entre toutes, différerez-vous assez de ces femmes pour que, vous refusant ce qu’elles aiment, recherchent et obtiennent au prix de tant d’efforts, c’est-à-dire la réputation d’être savante, judicieuse, maligne et spirituelle, vous consentiez à ne faire la confidence de vos pro-