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ACTE DEUXIÈME.

rieux talent d’écrire des lettres, de corrompre des valets, d’apprivoiser des espions ; elle lui demandera où elle peut acheter un riche accoutrement pour tel grand jour, une robe neuve pour l’occasion suivante, et une plus riche pour la troisième ; elle voudra être servie dans l’argenterie ; elle aura ses antichambres pleines de grooms, de valets de pied, d’écuyers et autres serviteurs, auxquels il faut ajouter les brodeuses, les joailliers, les couturières, les lingères, les plumassières, les parfumeurs, sans qu’elle comprenne jamais comment il se fait que tous les jours vos terres décroissent en étendue et vos acres fondent comme du beurre, et sans se douter de la loi des échanges qui lui fait troquer vos forêts contre des étoffes de velours ; car elle ne pèse jamais ce que lui coûte sa vanité, pourvu qu’elle puisse embrasser un page dont le menton désespère d’avoir de la barbe. Elle sera peut-être femme politique ; alors elle saura toutes les nouvelles : ce qui s’est fait à Salisbury [1] ou à Bath, ce qui se passe à la cour et pendant les voyages du roi [2] ; ou bien elle se contentera de critiquer les poètes, les écrivains et leur style, et de les comparer entre eux : Daniel avec Spenser, Jonson avec l’autre jeune [3], et ainsi de suite ; ou bien elle se rendra célèbre par son habileté dans les controverses ou dans les disputes sur la Divinité, et ces mots seront souvent sur ses lèvres : l’état de la question.

  1. Au moment des courses de chevaux.
  2. Quand le roi allait en Ecosse, ou lorsqu’il faisait quelque visite à l’un de ses nobles sujets.
  3. Ben Jonson veut prouver le mauvais goût de ces femmes, en disant qu’elles comparent Daniel à Spenser, auquel il était fort inférieur, et lui-même à un autre jeune écrivain que l’on croit être Decker, auteur dramatique dont nous reparlerons.