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ACTE DEUXIÈME.

TRUEWIT.

Eh bien ! vos amis s’étonnent de cette folie, monsieur, la Tamise où vous pourriez vous noyer si gentiment étant si près d’ici [1], ainsi que le pont de Londres, dont le parapet est facile à enjamber, et d’où l’on ferait un si joli saut dans le fleuve ; la ville renfermant en outre des clochers si délicatement sculptés, comme Bow, ou Saint-Paul, dont la flèche est plus haute ; si vous préfériez ne pas vous éloigner de chez vous, et avoir moins de chemin à faire, n’avez-vous pas une excellente fenêtre de grenier donnant sur la rue, et une poulie à laquelle on pourrait ajuster cette corde (Il lui montre la corde.) que vos amis vous envoient, en souhaitant que vous préfériez le nœud coulant que voici au nœud du mariage ? Vous pourriez encore prendre un peu de sublimé et vous en aller de ce monde comme un rat, bu comme un oiseau avec une paille à la queue ; user enfin de quelque moyen que ce soit pour ne pas céder à l’infernal démon du mariage. Hélas ! monsieur, pouvez-vous espérer de rencontrer jamais une femme chaste dans les temps où nous sommes, à une époque où l’on voit tant de masques, tant de comédies, tant de sermons puritains, tant de fous enragés, et tant d’autres apparitions étranges, chaque jour, en public ou en particulier ? Si vous aviez vécu, monsieur, au temps d’Ethelred ou d’Edouard le Confesseur, vous auriez peut-être rencontré une femme dans quelque froid village du nord ; quelque sotte

  1. Ferre potes dominant salvis tot restibus uliam
    Cum pateant altae caligantesque fenestrae,
    Et tibi vicinum se praebeat AEmilius pons.

    (JUVÉNAL, Sat. VI.)