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XV
SUR BEN JONSON.

lui avait donné quelques années heureuses ; mais, dès le commencement de celui de Charles Ier, la pauvreté et la maladie avaient fait invasion dans son logis ; la paralysie le tenait cloué dans sa chambre ; on ne le vit plus nulle part : cependant le découragement avait peine à s’emparer de son esprit. Une de ses dernières pièces, the New Inn, la Nouvelle Auberge, parue en 1630, fut mal reçue au théâtre ; les ennemis du poëte lui donnaient le coup de pied de l’âne. Pour vivre il fut obligé d’avoir recours aux poëmes mendiants ; il en adressa un à Charles Ier, qui lui fît une pension de cent livres avec le don annuel d’un tierçon de vin des Canaries ; le même don était assuré à ses successeurs à la condition d’en boire le premier verre à la santé du poëte.

Deux pièces parurent encore au théâtre : the Magnetic lady (la Grande dame magnétique), et the Tale of a tub (le Conte d’un tonneau) ; mais elles se ressentent, surtout la dernière, de l’affaiblissement de ses facultés physiques.

Cependant un éclair sortit encore de cette chambre de paralytique, c’est un drame pastoral, the Sad shepherd (le Berger mélancolique), dans lequel on retrouve toute la verve et l’élégance de sa jeunesse. La moitié en a été perdue dans la confusion qui suivit sa mort.

C’est le 6 août 1637 qu’elle arriva. Il fut enterré dans l’abbaye de Westminster, dans l’aile nord ; une simple pierre couvrit sa tombe ; l’on fit une souscription pour ériger à sa mémoire un monument digne de lui. Les troubles politiques et religieux la désorganisèrent, et, plus tard, un sir John Young, passant dans l’abbaye, fut choqué de voir, sans inscription, la pierre qui recouvrait les restes de ce grand homme, et donna à un manœuvre, qui travaillait dans l’église, dix-huit pences pour y graver ces mots : O RARE BEN JONSON !