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ÉPICÈNE.

croyons qu’elle dort ; et les hommes ne doivent pas s’enquérir de ce qu’elles font derrière leurs portes fermées ; au dedans tout doit être sacré. Est-ce à nous de voir leurs perruques à côté de leurs tètes, leurs fausses dents, leur teint d’emprunt, leurs sourcils peints et leurs ongles ? Vous savez que les doreurs ne travaillent que renfermés ; combien de temps une grande toile n’a-t-elle pas été suspendue devant Aldgate ? A-t-on permis au peuple de voir dans la Cité les statues de l’Amitié et de la Charité[1], quand elles n’étaient encore que des blocs de pierre, et avant qu’elles ne fussent peintes et vernies ? Non. Eh bien, les cavaliers servants ne doivent pas davantage approcher de leurs maîtresses avant qu’elles ne soient complétées et parfaites.

CLERIMONT.

Bien dit, mon Truewit.

TRUEWIT.

Et une femme sage aura toujours une sentinelle placée pour pouvoir faire ses métamorphoses en toute sécurité. J’accompagnais, certain jour, une espèce de sauvage dans une visite où la pauvre dame, dans sa hâte, et troublée, saisit sa perruque pour en couvrir sa calvitie ; seulement elle la mit du mauvais côté.

CLÉRIMONT.

Oh ! prodige !

TRUEWIT.

Et le scélérat, sans conscience de la chose, la tint,

  1. Le vieil annaliste Stow nous décrit ainsi ces deux statues qui ornaient la porte d’Aldgate. « L’une, au midi, représente la Paix avec une colombe d’argent sur une main, et tenant de l’autre une couronne dorée. Au nord, on voit la Charité allaitant un enfant, et en conduisant un autre par la main. »