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ACTE PREMIER.

(Le page chante.)

« Être toujours élégante, et toujours bien mise, comme si vous alliez en fête ; être toujours poudrée, et toujours parfumée, madame, c’est laisser croire, si l’on n’en trouve pas les causes secrètes, que tout en vous n’est ni odoriférant ni sain.

« J’aime mieux la taille, j’aime mieux la figure de celles qui font de la simplicité une grâce. Quand la robe flotte à l’air, quand la chevelure est libre, ce doux négligé me charme plus que toutes les frelateries de l’art, qui frappent mes yeux, mais ne touchent pas mon cœur[1]. »

TRUEWIT.

Moi, je suis franchement d’un avis opposé ; je préfère une belle toilette à toute la beauté du monde. Oh ! les femmes ressemblent alors à un jardin délicat, rempli de fleurs qui ne sont pas toutes de la même espèce ; car elles peuvent varier chaque jour[2], prendre conseil de leur glace, et choisir à leur gré ; si l’une a de fines oreilles, elle les montre ; si l’autre a de beaux cheveux, elle les laisse voir ; une jolie jambe, elle aura une robe courte ; une jolie main, elle l’agitera souvent ; elle a tout un art pour purifier l’haleine et pour réparer l’arc des sourcils ; elle sait se peindre, et l’avouer.

CLÉRIMONT.

Comment ! publiquement ?

TRUEWIT.

Elle avouera qu’elle se peint, mais ne dira pas de quelle façon ; ceci reste secret ; beaucoup de choses qui semblent laides à faire plaisent une fois faites. Une dame doit, en vérité, étudier sa figure, lorsque nous

  1. Cette charmante chanson est imitée d’une pièce de vers latins, composés par Jean Bonnefonds (Bonnefonius), qui était né au milieu du XVIe siècle, à Clermont en Auvergne, où il cultivait avec un grand succès la poésie latine.
  2. Ovide, dans l’Art d’aimer, livre III, v. 140 et v. 216…