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ACTE PREMIER.

LE PAGE.

Il n’en est pas besoin, je vous le jure ; j’avouerai tout auparavant, monsieur. Les femmes de chambre jouent avec moi, me jettent sur le lit, et me portent à milady ; alors elle m’embrasse avec sa figure huilée, me met une perruque sur la tête, et me demande si je veux mettre sa robe ; je dis que non, et alors elle me donne un petit coup sur l’oreille, m’appelle innocent et me laisse aller.

CLÉRIMONT.

Il n’est pas étonnant que la porte soit fermée à votre maître, lorsque l’entrée vous en est si facile. Eh bien, monsieur, vous n’irez plus dans cette maison, de peur que, d’ici à quinze jours, je ne sois obligé d’aller chercher votre petite voix dans les joncs qui tapissent la chambre de milady. Chantez, monsieur.

LE PAGE chante.

« Être toujours élégante, toujours bien mise… »

TRUEWIT, entrant.

Oh ! voilà bien un homme qui, sans s’en apercevoir, laisse couler le temps comme l’eau ! N’a-t-il pas une maîtresse au dehors, un ami au coin du feu, bonne chère, logement commode, de beaux vêtements, et un violon ! Il s’imagine que les heures n’ont pas d’ailes, et les jours point de chevaux de poste. C’est bien, monsieur le galant ; mais si vous étiez frappé de la peste[1] à la minute, ou condamné pour demain à quelque châtiment capital, vous commenceriez à réfléchir, à peser chaque atome de votre temps, à l’apprécier à sa juste valeur, et à lui sacrifier tout le reste.

  1. Il y avait eu la peste à Londres en 1604.