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IX
SUR BEN JONSON.

Lui-même raconte qu’en présence des deux armées il eut une rencontre avec un soldat ennemi, le tua et emporta ses dépouilles. Cet exploit lui laissa un souvenir dont il était fier.

Ben Jonson ne rapporta de la Flandre que sa réputation de bravoure, quelques mots d’allemand, et une bourse vide. Décidé à ne pas rentrer en apprentissage chez son beau-père, il fit comme la plupart des poëtes ses contemporains, il se rendit au théâtre. Là il y avait toujours de la place pour les nouveaux venus. On se faisait acteur, on jouait tant bien que mal, on collaborait, et, le génie aidant, on devenait Shakspeare ou Ben Jonson.

Les débuts de notre auteur sont entourés d’obscurité ; on sait seulement qu’un événement sérieux interrompit brusquement sa carrière théâtrale. Il eut une querelle avec un de ses camarades, un acteur sans doute. Il n’était pas d’humeur à décliner un duel, et tua son adversaire, bien que, dit-on, par une indigne tricherie, celui-ci eût apporté une épée plus longue que la sienne de quelques pouces. Il eut cependant peu de profit de sa victoire : blessé lui-même au bras, jeté en prison, accusé de meurtre, il courut, dit-il, grand risque d’être pendu. C’est dans cette prison que, recevant les instructions d’un prêtre catholique prisonnier comme lui, il quitta la religion protestante dans laquelle il était né, pour adopter la foi romaine.

Plus tard il devait renoncer à celle-ci, pour redevenir protestant. De pareils exemples étaient si fréquents à cette époque de troubles, et de persécutions religieuses, que les biographes de Ben Jonson ne donnent aucun détail sur cette double conversion. On ne sait pas davantage à quelle circonstance il dut sa mise en liberté ; mais le premier usage qu’il en fit, fut de se marier à une jeune fille, catholique comme lui. Elle partagea sa misère avec courage, et, passant inaperçue dans sa vie, mourut en 1618, après lui avoir donné un fils en 1596 dont on croit que Shakspeare fut le parrain, et qui ne survécut pas à son père.

C’est cette même année de la naissance de son fils, qu’après des collaborations auxquelles il n’a pas attaché son nom, Ben Jonson produisit, seul cette fois, sa comédie d’Every man in his humour, Chaque homme a son humeur[1]. Il avait vingt et un ans ; on trouve, dans des notes laissées par Henlowe, l’impre-

  1. Cette comédie fait partie de la seconde série, sous presse.