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VIII
NOTICE

mœurs douteuses ; elles nous annoncent les précieuses ridicules.

Les puritains sont l’objet fréquent des satires de Ben Jonson. Il les attaque dans beaucoup de ses comédies ; il semble vouloir les châtier d’avance de leur prochaine victoire qui balayera tous les théâtres.

Enfin nous avons réservé pour les derniers ceux que vous allez rencontrer aux premières pages de ce livre, Volpone, Mosca, Voltore, Corvino et Corbaccio ; leurs noms disent ce qu’ils sont, et ce sont les types éternels de la cupidité, de la convoitise et de l’avarice.

Aurons-nous réussi à reproduire le style puissant, énergique et pittoresque de notre auteur ? Nous n’osons le garantir ; nous avons voulu être exact dans notre traduction ; aussi demandons-nous d’avance pardon de la nécessité qui nous a fait rappeler de l’exil certains mots bannis depuis Molière ; il était impossible de les supprimer ou de les remplacer, sans ôter à notre auteur la franche allure de son style. Quant au sens, nous avons eu un excellent guide dans M. Gifford, le célèbre commentateur de Ben Jonson et de Massinger ; c’est également à la Vie qu’il a donnée de Ben Jonson, que nous allons avoir recours pour en donner un abrégé à nos lecteurs.


Ben Jonson, c’est ainsi que lui-même écrit son nom, est né dans le commencement de l’année 1574. Son père était mort depuis un mois, lorsqu’il vint au monde. Après deux ans de veuvage, sa mère s’était remariée à un maître maçon ; un ami de sa famille, lorsque l’âge de l’éducation sérieuse arriva, le retira de la petite école où son beau-père l’avait mis, et le plaça à ses frais à l’école de Westminster, et plus tard à Cambridge, dans le collége de Saint-John ; mais, tout à coup, la pension de l’étudiant cessa, et ses parents le retirèrent de l’Université pour l’initier au métier de maçon. Mais manier la truelle de cette main qui venait de feuilleter Homère et Horace ne pouvait convenir à l’étudiant de Cambridge, aussi le voyons-nous prendre un parti désespéré. Il se sauva sur le continent, et entra comme volontaire dans l’armée des Flandres ; il avait dix-huit ans. Son séjour dans les Pays-Bas ne dura que le temps d’une campagne ; il eut pourtant l’occasion d’y signaler son courage.