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VI
NOTICE

prise publique de drames et de comédies ; on travaille en commun : l’un apporte une scène, l’autre un acte, un troisième corrige son propre rôle, jusqu’à ce que, de cette communauté de talents, le génie se dégage et s’individualise.

La gloire de Shakspeare ne souffre pas de ce voisinage, son génie universel domine tous ses rivaux ; mais ceux-ci ont encore droit à notre admiration ; aujourd’hui leurs noms sont sortis de l’oubli ; il restait à faire connaître leurs œuvres elles-mêmes ; il nous a semblé qu’après avoir été éveillée par les jugements de la critique moderne, la curiosité du public irait au delà des fragments qui ont été cités, et c’est pour la satisfaire, dans la mesure de nos forces, que nous lui offrons cette traduction. Nous choisirons les principaux de ces grands poëtes : Lilly, le fantaisiste, Marlowe, « au vers puissant, » qui ont écrit immédiatement avant Shakspeare, Massinger dont le génie a la grandeur espagnole, Beaumont et Fletcher qui sont les plus près de Shakspeare par l’imagination et la poésie, enfin Ben Jonson qui les surpasse tous dans la comédie.

Nous consacrerons à ceux que nous ne traduirons pas, à Green, qui fut en même temps un piquant pamphlétaire, à Lodge, qui était un humoriste, à Nash, caustique et railleur, à Munday, à Chettle, à Ford, à Webster, à Middleton, Chapman, Rowlay, etc., etc., une étude qui trouvera sa place dans un autre volume.

Si nous commençons par Ben Jonson, c’est que d’abord il est le plus grand après Shakspeare et qu’il nous a paru intéressant de les mettre tous les deux face à face. Il ne s’agit plus d’un rival, mais d’un antagoniste littéraire ; c’est un classique au milieu de tous ces poëtes indépendants qui ne reconnaissent aucun joug ; c’est un représentant du passé parmi ces révolutionnaires. Nourri des œuvres que nous a laissées l’antiquité, son goût se choque du style ampoulé, des invraisemblances, des exagérations de toutes sortes. Il se pose en législateur, mais sans succès, car il n’a aucune influence ni sur les poëtes, ni sur le public. Ses tragédies, latines par le sujet et par l’imitation de Cicéron, de Lucain et d’autres, sont mal accueillies. Rien ne prouve mieux combien la nation anglaise était complice de ses auteurs favoris ; la même âme faisait battre le cœur des spectateurs et celui des comédiens. Si Ben Jonson