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ACTE QUATRIÈME.

gens avec qui vous conversez. Gardez-vous de jamais dire une vérité.

PÉRÉGRINE.

Comment ?

SIR POLITICK.

Jamais aux étrangers, car ce sont ceux avec lesquels vous aurez le plus souvent à causer ; quant aux autres je les tiendrais, quant à moi, le plus possible à distance, à moins que je n’eusse à y gagner quelque chose ; vous aurez, à chaque heure du jour, des pièges tendus sous vos pas. Quant à la religion, n’en professez aucune ; dites seulement que vous êtes étonné qu’il y ait un si grand nombre de sectes religieuses, et que, pour votre part, vous consentiriez à ce qu’il n’y eût pas d’autre religion que la loi de votre pays ; Nicolas Machiavel et monsieur Bodin sont de cette opinion. Ensuite vous devez apprendre l’usage et le maniement de votre fourchette d’argent dans les repas[1], et savoir comment se fabriquent les verres où vous buvez. Ce sont des choses importantes pour vos Italiens, comme aussi de savoir l’heure où vous devez manger les melons et les figues.

PEREGRINE.

Est-ce là aussi une question d’État ?

SIR POLITICK.

C’en est une. Lorsqu’un Vénitien voit dans un homme là moindre imperfection, il le serre de près, il le tient, il le pille. Je vous dirai, monsieur, que j’habite ici depuis environ quatorze mois, et, dans la première semaine de mon séjour, chacun me prenait

  1. L’usage des fourchettes était tout récent au temps de Ben Jonson : c’était une nouvelle mode importée d’Italie.