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ACTE TROISIÈME.

saints habitants, faites-moi la grâce de me laisser partir, sinon, soyez compatissant, et tuez-moi. Je suis, vous le savez, une pauvre créature abusée par un homme dont je voudrais oublier la honte comme si elle n’eût pas pu exister ; si vous ne daignez m’accorder aucune grâce, abandonnez-vous à votre colère plutôt qu’à votre convoitise ; la colère est un vice qui approche plus du courage ; et punissez ce crime infortuné de la nature que vous appelez ma beauté, déchirez mon visage ou défigurez-le par des poisons, pour avoir remué en vous la lie bouillante de votre sang. Frottez ces mains avec je ne sais quel onguent qui puisse leur donner la lèpre et me ronger jusqu’à la moelle des os ; tout ce que vous voudrez, qui pourra disgracier ma personne et non mon honneur. — Et alors je m’agenouillerai devant vous, je prierai pour vous, je formerai, chaque jour et chaque heure, des vœux ardents pour votre santé ; je dirai partout, je penserai que vous êtes vertueux.

VOLPONE.

C’est-à-dire débile, glacé, impotent, et tu le dirais au monde entier ? Tu sembles croire que j’ai la vieillesse de Nestor ? Je dégénère, en vérité, et c’est démentir la renommée de ma nation de jouer si longtemps avec l’occasion qui s’offre à moi. Je devrais déjà avoir agi, pour ne parlementer qu’ensuite. (Il la saisit.) Cède, ou je te viole.

CÉLIA.

Oh ! Dieu juste !

(Bonario, que les cris de Célia ont attiré, se précipite dans la chambre de Volpone.)
BONARIO

Arrête, infâme ravisseur, porc lassif ! laisse