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VOLPONE.

écoute-moi, Célia ! tes bains seront composés d’essence de giroflée, de l’esprit des roses et des violettes, du lait des licornes, du souffle des panthères renfermé dans des sachets, et mêlé dans les vins de la Crète. Notre boisson sera faite d’ambre et d’or, nous viderons nos verres jusqu’à ce que le plafond tourne ivre sur nos têtes ; mon nain dansera, mon eunuque chantera, mon bouffon nous réjouira par des scènes grotesques ; tandis que nous, nous représenterons les récits d’Ovide dans leurs mille personnages : tantôt tu seras Europe, et moi Jupiter ; tantôt je serai Mars, et toi Erycine ; ainsi du reste, jusqu’à ce que nous ayons épuisé toute la mythologie païenne. Ensuite, je te ferai revêtir des formes modernes : tantôt la toilette d’une vive Française, tantôt celle d’une magnifique Florentine, ou d’une orgueilleuse Espagnole ; quelquefois tu seras la femme du Sophi de Perse, ou la sultane favorite du Grand Seigneur ; et pour changer, l’une de nos plus artificieuses courtisanes, ou la pétillante négresse, ou l’une des filles glacées de la Russie ; et moi, j’aurai autant de métamorphoses pour te répondre, pour faire voyager de l’une à l’autre, par nos lèvres, nos âmes vagabondes, et multiplier à l’infini nos joies et nos plaisirs. (Il chante.) « À tel point que les curieux ne pourront compter nos baisers, et que les envieux, lorsqu’ils en sauront le nombre, en mourront de chagrin. »

CÉLIA.

Si vous avez des oreilles qui puissent encore entendre, ou des yeux qui puissent s’ouvrir, un cœur qui batte encore, ou quelque chose d’humain qui palpite en vous ; si vous avez le respect du ciel et de ses