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ACTE TROISIÈME.

fortune, jouis-en mystérieusement ; vois, regarde ce dont tu es la reine, non pas en expectative comme tant d’autres ; mais reine couronnée et régnante. Vois ce rang de perles ; chacune est plus pure et plus orientale que celle dont la belle reine d’Égypte a fait une débauche ; dissous-les et bois-les ; vois cette escarboucle qui surpasse en éclat les deux yeux de notre saint Marc : ce diamant que Lollia Paulina[1] aurait acheté, quand elle vint, comme une étoile, et chargée de bijoux qui étaient le butin de cent provinces ; prends-les, porte-les, perds-les ; il te restera ces pendants d’oreilles, qui suffiraient à les racheter ainsi que tous ces trésors. Une pierre qu’un patrimoine de particulier peut payer n’est rien ; nous en mangerons le prix à chaque repas. Des têtes de perroquets, des langues de rossignols, des cervelles de paons et d’autruches seront nos mets ; et si nous pouvions retrouver le phénix dont la race est perdue, nous le servirions aussi sur notre table.

CÉLIA.

Mon bon monsieur, tout cela peut toucher les personnes habituées à de pareilles délices ; mais moi, qui n’ai pour toute richesse et pour tout bonheur que mon innocence, et qui n’aurais plus rien à perdre, si je la perdais, je ne puis être sensible à ces offres sensuelles ; si vous avez quelque conscience…

VOLPONE.

C’est la vertu des mendiants ; si tu es sage,

  1. Célèbre dame romaine, dont Pline dit : « Lolliam Paulinam… Vidi smaragdis margaritisque opertam, alterito textu fulgentibus, toto Capite, crinibus, spira, auribus, collo, monilibus digitisque. — Nec dona prodigi principis fuerant, sed avitae opes, provinciarum scilicet spoliis partae. » (Pline, liv. IX.)