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VOLPONE.

sité de ces motifs pour le rétablissement de mes affaires. C’est pourquoi, si vous êtes loyale et vraiment ma femme, obéissez et respectez mon intérêt.

CÉLIA.

Avant votre honneur ?

CORVINO.

L’honneur ! tut ! un souffle. Il n’y a rien de cela dans la nature ; un simple mot inventé pour en imposer aux imbéciles. Quoi ! mon or n’est-il plus mon or, parce qu’on l’a touché ? mes vêtements s’useront-ils, parce qu’on les regardera ? Ce n’est pas davantage. Une vieille canaille décrépite, qui n’a ni sens, ni muscles ; qui prend son repas avec la main des autres[1] ; qui ne sait qu’ouvrir la bouche quand il sent de la chaleur aux gencives ; un son de voix, une ombre ; comment cet homme peut-il nuire à votre honneur ?

CÉLIA, à part.

Grand Dieu ! une telle pensée a-t-elle pu entrer dans son esprit ?

CORVINO.

Quant à votre réputation, la belle affaire ! Comme si j’allais vous dire : « Crions-le sur la place Saint-Marc. » Qui le saura, que lui qui ne peut plus parler, et ce Mosca dont je tiens la langue dans ma poche ? À moins que vous ne vouliez le proclamer, je ne vois personne qui puisse le savoir.

CÉLIA.

Le ciel et les saints ne le sauront-ils pas ? seront-ils aveugles ou sourds ?

  1. Juvénal :

    Pallida labra cibum capiunt digitis hujus alienis :
    Ipse ad conspectum coenoe diducere rictum
    Suetus, hiat tantum, etc., etc.

    (Sat. X.)