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ACTE II


Scène PREMIERE

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Barabas, Abigaïl
(Entre Barabas tenant une lumière à la main[1])
Barabas

Comme un corbeau, présage de malheur, porte le passeport d’un homme malade dans son bec, et, dans l’ombre de la nuit silencieuse, secoue la contagion en agitant ses ailes noires, ainsi va le pauvre Barabas, vexé, tourmenté, répandant des malédictions sur les chrétiens. Les plaisirs incertains du temps rapide s’en sont allés, me laissant dans le désespoir. De mes richesses il ne me reste plus que le cruel souvenir, comme une cicatrice à un soldat mutilé. 0 toi qui, avec une langue de feu, conduisis les fils d’Israël à travers les ténèbres, éclaire l’enfant d’Abraham ; dirige, cette nuit, la main d’Abigaïl et qu’après cela le jour soit remplacé par une nuit éternelle ! Le sommeil fuira mes yeux vigilants ; le repos se refusera à mes pensées agitées, jusqu’à ce que j’obtienne une réponse de mon Abigaïl.

(Paraît Abigaïl à une fenêtre)
Abigaïl

J’ai pu heureusement choisir le moment de sonder le plancher indiqué par mon père. Voilà la cachette, l’or, les perles, et les joyaux qu’elle recèle.

Barabas

Maintenant Je me rappelle les paroles des vieilles femmes qui, à l’époque de ma richesse, me contant des histoires d’hiver, parlaient d’esprits, de fantômes errant la nuit autour de places renfermant des trésors cachés. Il me semble être un de ces esprits ou de ces fantômes. Tant que je vivrai, là vivra la seule espérance de mon âme, et mort, c’est encore là qu’errera mon esprit !

  1. La scène est supposée se passer devant l’ancienne maison de Barabas.