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m’abandonner dans ma détresse, fille séduite ? (Bas) N’oublie pas ! (Haut) convient-il que des Juifs se montrent à ce point crédules ? (Bas) Demain matin, à la première heure, je serai à la porte. Non ne m’approche pas ! Puisque tu veux être damnée, oublie-moi, fuis ma présence, et advienne que pourra ! (Bas) Adieu. À demain matin. (Haut) Arrière, mécréante.

(Barabas s’en va d’un côté ; d’un autre, les frères, l’abbesse, la nonne et Abigaïl. Comme ils sont partis, entre Mathias).
Mathias

Que vois-je ? La belle Abigaïl, la fille du riche Juif, entre dans les ordres ? La chute soudaine de son père l’humilie à ce point ? Elle est plutôt faite pour un roman d’amour que pour la fatigue des oraisons et on se l’imagine entre les bras d’un amant plutôt que levée à minuit pour écouter la messe !

(Entre Lodowick)
Lodowick

Eh bien, don Mathias ? Êtes-vous muet ?

Mathias

Lodowick, je viens de voir le spectacle le plus extraordinaire !

Lodowick

Lequel ?

Mathias

Celui d’une belle jeune fille, à peine âgée de quatorze ans, la plus belle fleur poussée dans le champ de Cythère, renonçant aux plaisirs de la terre fertile et étrangement métamorphosée en nonne !

Lodowick

De qui voulez-vous parler ?

Mathias

De la fille du riche Juif.

Lodowick

Barabas, dont les biens ont été naguère confisqués ? Est-elle donc si jolie ?

Mathias

Une beauté sans rivale. Si vous la voyiez votre cœur en demeurerait troublé, et, bien qu’elle soit enfermé dans des murs d’airain, à défaut d’amour elle exciterait votre pitié !

Lodowick

Si elle est aussi belle que vous le dites, ce serait agréablement passer son temps que de lui rendre visite. Y allons-nous ?