m’abandonner dans ma détresse, fille séduite ? (Bas) N’oublie pas ! (Haut) convient-il que des Juifs se montrent à ce point crédules ? (Bas) Demain matin, à la première heure, je serai à la porte. Non ne m’approche pas ! Puisque tu veux être damnée, oublie-moi, fuis ma présence, et advienne que pourra ! (Bas) Adieu. À demain matin. (Haut) Arrière, mécréante.
Que vois-je ? La belle Abigaïl, la fille du riche Juif, entre dans les ordres ? La chute soudaine de son père l’humilie à ce point ? Elle est plutôt faite pour un roman d’amour que pour la fatigue des oraisons et on se l’imagine entre les bras d’un amant plutôt que levée à minuit pour écouter la messe !
Eh bien, don Mathias ? Êtes-vous muet ?
Lodowick, je viens de voir le spectacle le plus extraordinaire !
Lequel ?
Celui d’une belle jeune fille, à peine âgée de quatorze ans, la plus belle fleur poussée dans le champ de Cythère, renonçant aux plaisirs de la terre fertile et étrangement métamorphosée en nonne !
De qui voulez-vous parler ?
De la fille du riche Juif.
Barabas, dont les biens ont été naguère confisqués ? Est-elle donc si jolie ?
Une beauté sans rivale. Si vous la voyiez votre cœur en demeurerait troublé, et, bien qu’elle soit enfermé dans des murs d’airain, à défaut d’amour elle exciterait votre pitié !
Si elle est aussi belle que vous le dites, ce serait agréablement passer son temps que de lui rendre visite. Y allons-nous ?