Ils me permettront bien encore une fois, je suppose, de rentrer chez moi ?
N’y comptez pas. J’ai laissé le gouverneur mettre des nonnes à ma place. De la maison, ils ont l’intention de faire un couvent où, sauf les femmes, nul ne pourra entrer.
Mon or ! Mon or ! Mon or et tout le reste parti ! Dieux, si vous êtes impartiaux, ai-je mérité un pareil châtiment ? Étoiles mauvaises, conspirez-vous contre moi au point de me désespérer dans ma pauvreté ? Sachant combien je supporte mal la détresse, me croyez-vous assez fou pour nie pendre moi-même, m’évaporer de cette terre sans laisser un souvenir de ce que j’étais ? Non ! je veux vivre ; et puisque, après m’avoir ainsi jeté à la mer, vous me réduisez à couler ou à nager, puisqu’il faut que je prenne un parti, je rentrerai en possession de moi-même ! Fille, tu vois dans quelle situation m’ont mis ces Chrétiens ? Laisse-toi guider par moi, car dans l’extrémité où nous sommes nous n’avons pas le choix.
Que ne ferait pas Abigaïl pour venger votre injure !
Bien. Tu me dis qu’ils ont transformé ma maison en un couvent et que des nonnes y sont déjà installées ?
Oui.
Alors, Abigaïl, ma fille, il te faut supplier la supérieure de te prendre avec elle.
Comme nonne ?
Comme nonne. Sous le couvert de la religion, on dissimule bien des méfaits.
Mais, en pareil lieu je serai suspecte.
Laisse-les te suspecter, mais conduis-toi de façon à ce que l’on croie à ta conversion. Supplie-les, parle-leur gentiment, laisse-leur supposer que tu es une grande coupable et elles te recevront dans leur sein.
Saurai-je dissimuler à ce point ?