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carat, pourrait, en temps de malheur, payer la rançon d’un roi captif. Voilà en quoi consiste ma richesse ! Un homme sensé doit différencier ses moyens de trafic du commerce vulgaire, et quand il détient une fortune, l’enclore dans une petite chambre. Maintenant, voyons comment se comporte le vent. Quelle direction marque mon alcyon[1] ? L’Est ? Oui. Qu’indiquent les girouettes ? Sud-Est. En ce cas mes vaisseaux expédiés en Égypte et dans les îles entrepositaires approchent des bords du Nil. Ma galère d’Alexandrie chargée d’épices et de soies, à cette heure sous le vent, glisse doucement en doublant Candie jusqu’à Malte, à travers la mer méditerranéenne. Qui vient là ?

(Entre UN MARCHAND)

Eh bien ?

Le marchand

Barabas, vos vaisseaux sont en bon état ; les marchands abordés à bon port m’envoient savoir si vous voulez venir pour accomplir les formalités de la douane.

Barabas

Les bateaux sont en bon état, dis-tu, et richement chargés ?

Le marchand

Oui.

Barabas

Alors pourquoi tant de formalités ? Ne portent-ils pas avec eux leurs droits d’entrée ? Je suppose que mon crédit à la douane y rend ma présence inutile ? Envoie au-devant d’eux six chameaux, trente mules, et vingt wagons pour débarquer les marchandises. Tu commandes un de mes bateaux et ton crédit doit suffire.

Le marchand

Beaucoup de marchands de la ville méritent la même confiance et je ne peux pas aller contre la coutume.

Barabas

Retourne et dis que tu viens de la part du Juif de Malte. Ils connaissent tous Barabas, je suppose ?

Le marchand

J’y vais.

Barabas

Lequel de mes bateaux commandes-tu ?

Le marchand

L’Espérance.

  1. D’après une ancienne superstition un alcyon empaillé indiquait la direction du vent.