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INTRODUCTION

dérable ; celui de Ben Jonson plus important encore. Les Massinger, les Ford, les Fletcher, Kyd, Middleton, Heywood, Beaumont, Dekker, Marston, Chapman, Lyly, Chettle, Field, etc., etc., sont aussi prolifiques. Durant le xvie siècle siècle un besoin extraordinaire de production a travaillé les poètes dramatiques, besoin expliqué par la paix dont on jouissait, la prospérité qui se laissait entrevoir, le bien-être commençant de s’épanouir, l’abondance des traductions, l’éducation de plus en plus complète des masses, les mœurs élégantes quoique souvent brutales, tantôt d’un protestantisme exagéré, tantôt d’un paganisme voluptueux, mais offrant toujours par leurs contrastes mille sujets d’observation, mille postulats. La Merry England est dans son épanouissement. À ces causes il convient d’ajouter la passion d’Élisabeth pour le théâtre, si forte qu’elle l’entraînera à lutter contre la rigidité de la Réforme et à contrecarrer chaque rappel à l’ordre du puritanisme par l’autorisation de construire une salle de spectacle ou de former une compagnie de comédiens. Londres met à la disposition des auteurs douze théâtres : le Théâtre, le Rideau, le Globe, le théâtre des Bénédictins, le théâtre des Dominicains, la Rose, l’Espérance, le Cygne, la Fortune, le Taureau Rouge, le Phénix, le Jardin de Paris, sans compter les Collèges, les Palais et la Cour où l’on joue volontiers des pièces inédites. On peut s’expliquer maintenant l’assaut des muses, pour me servir d’une expression de Dekker.

En attendant qu’une Société risque une encyclopédie dramatique mettant au jour une littérature ignorée, M. Ernest Flammarion, dont la bibliothèque s’enrichit tous les jours au point de vue littéraire, historique, philosophique et scientifique ; auquel — son amitié ne me refusera pas cet éloge — la génération actuelle doit, par l’intelligence et l’éclectisme présidant au choix de ses publications, d’être plus que jamais initiée aux belles productions ; M. Ernest Flammarion qui, comme son illustre frère Camille Flammarion, sait consacrer et découvrir au besoin les astres, a compris la nécessité d’emprunter quelques rayons à la gloire de la littérature anglaise du XVIe siècle siècle et a bien voulu me charger de les refléter dans le miroir d’une traduction. J’ai choisi, parmi tant d’auteurs et tant de chefs-d’œuvre, ceux qui pouvaient donner la plus complète idée d’une harmonie générale entre le caractère de l’écrivain et celui de son siècle ; ceux aussi rapportant le mieux les coutumes d’une Angleterre renaissante offrant encore tant de pâture à la curiosité des historiens et des psychologues. Et je souhaite que l’exemple encourage ceux qui, comme moi, se passionnent pour une époque à peine connue et si fertile en surprises.

Georges Duval.