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gardons notre marché intérieur et égalisons par des mesures de douanes nos conditions de production avec celles de nos voisins. Soit, mais n’allons-nous pas augmenter chez nous le prix de la vie matérielle ? Oublions-nous que nous sommes le peuple le plus imposé de l’Europe ? Que le blé, le pétrole, le fer, le charbon, la viande, la laine, tout cela se produit à meilleur marché hors de chez nous ? Que nous sommes liés par des traités de commerce ? Que nos grands ports, que les intérêts de notre navigation demandent des ménagements ? Que les étrangers nous répondront par des lois prohibitives, comme on l’a vu aux États-Unis, dans la question des porcs trichinés ?

Non, ce n’est pas là qu’est le remède à la situation présente.

Qu’on se pénètre d’abord de cette vérité : que la forme de gouvernement, si importante qu’elle soit, n’est qu’au second plan pour remédier aux difficultés présentes[1].

  1. Pour prouver combien nous sommes amoureux de la forme, et peu soucieux du fond, rappelons-nous un célèbre tribun qui, pour sa réclame électorale, allait présider les banquets des commis voyageurs et des marchands de vin. Pendant dix ans, son talent de parole a tenu le pays suspendu à ses lèvres, et cependant, dans cette outre gonflée de vent, qu’y avait-il ? Après avoir déchaîné la populace, elle a disparu pendant la Commune, pour revenir ensuite tirer les marrons du feu, une fois l’orage passé. Alors, on ne voyait là qu’un « fou furieux ». Ce tribun a-t-il fait les affaires de la France ? Il a fait les siennes et celles de ses amis ! Lorsqu’il a été au pouvoir, a-t-il déraciné un abus ? fait triompher une idée utile ? fondé quelque chose pour mériter des funérailles qui, avec celles d’un grand poète, ont été le triomphe du charlatanisme, au point de faire pâlir Barnum lui-même ? Ces foules ne rappelaient-elles pas l’âne portant des reliques ? Quand notre grand orateur retourna à son fidèle Belleville, auquel il avait tant promis et donné si peu, il fut accueilli par des sifflets auxquels il répondit avec rage, en s’esquivant par une porte de derrière : « Je vous poursuivrai jusque dans vos repaires ! ». Je ne crains pas de le dire : si, dans notre société actuelle, Robert Macaire revenait au monde, et voyait élever une statue à notre idole sur la place du Carrousel, il n’hésiterait pas à se porter candidat au prix Monthyon.