Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 85 —

Montesquieu.

Oui.

Machiavel.

Remarquez bien alors dans quelle situation je me trouve placé. J’ai supprimé momentanément tout pouvoir autre que le mien. Si les institutions encore debout peuvent élever devant moi quelque obstacle, c’est de pure forme ; en fait, les actes de ma volonté ne peuvent rencontrer aucune résistance réelle ; enfin je suis dans cette condition extra-légale, que les Romains appelaient d’un mot si beau et si puissamment énergique : la dictature. C’est-à-dire que je puis tout ce que je veux à l’heure présente, que je suis législateur, exécuteur, justicier, et à cheval comme chef d’armée.

Retenez ceci. Maintenant j’ai triomphé par l’appui d’une faction, c’est-à-dire que cet événement n’a pu s’accomplir qu’au milieu d’une profonde dissension intérieure. On peut dire au hasard, mais sans se tromper, quelles en sont les causes. Ce sera un antagonisme entre l’aristocratie et le peuple ou entre le peuple et la bourgeoisie. Pour le fond des choses, ce ne peut être que cela ; à la surface, ce sera un pêle-mêle d’idées, d’opinions, d’influences et de courants contraires, comme dans tous les États où la liberté aura été un moment déchaînée. Il y aura là des éléments politiques de toute espèce, des tronçons de partis autrefois victorieux, aujour-