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Supposez pour un instant que j’aie à ma disposition les différentes ressources morales et matérielles que je viens de vous indiquer, et donnez-moi maintenant une nation quelconque, entendez-vous ! Vous regardez comme un point capital, dans l’Esprit des lois, de ne pas changer le caractère d’une nation[1] quand on veut lui conserver sa vigueur originelle, eh bien, je ne vous demanderais pas vingt ans pour transformer de la manière la plus complète le caractère européen le plus indomptable et pour le rendre aussi docile à la tyrannie que celui du plus petit peuple de l’Asie.

Montesquieu.

Vous venez d’ajouter, en vous jouant, un chapitre au traité du Prince. Quelles que soient vos doctrines, je ne les discute pas ; je ne vous fais qu’une observation. Il est évident que vous n’avez nullement tenu l’engagement que vous aviez pris ; l’emploi de tous ces moyens suppose l’existence du pouvoir absolu, et je vous ai demandé précisément comment vous pourriez l’établir dans des sociétés politiques qui reposent sur des institutions libérales.

Machiavel.

Votre observation est parfaitement juste et je

  1. Esp. des lois, p. 252 et s., liv. XIX, ch. V.