Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 58 —

vait emporter dans ma patrie les anciennes formes du gouvernement monarchique, je puis dire qu’aucune des conséquences prochaines du mouvement qui se faisait dans les idées n’échappa dès lors à ma vue. Je ne pus méconnaître que le système de la division des pouvoirs déplacerait nécessairement un jour le siège de la souveraineté.

Ce principe, mal connu, mal défini, mal appliqué surtout, pouvait engendrer des équivoques terribles, et bouleverser la société française de fond en comble. Le sentiment de ces périls devint la règle de mes ouvrages. Aussi tandis que d’imprudents novateurs, s’attaquant immédiatement à la source du pouvoir, préparaient, à leur insu, une catastrophe formidable, je m’appliquais uniquement à étudier les formes des gouvernements libres, à dégager les principes proprement dits qui président à leur établissement. Homme d’État plutôt que philosophe, jurisconsulte plus que théologien, législateur pratique, si la hardiesse d’un tel mot m’est permise, plutôt que théoricien, je croyais faire plus pour mon pays en lui apprenant à se gouverner, qu’en mettant en question le principe même de l’autorité. À Dieu ne plaise pourtant que j’essaye de me faire un mérite plus pur aux dépens de ceux qui, comme moi, ont cherché de bonne foi la vérité ! Nous avons tous commis des fautes, mais à chacun la responsabilité de ses œuvres.