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vernement s’est changé en une affaire d’administration. Aujourd’hui les choses sont ordonnées de telle sorte, dans les États, que la puissance dirigeante n’y paraît plus que comme le moteur des forces organisées.

À coup sûr, si vous supposez ces sociétés infectées de toutes les corruptions, de tous les vices dont vous me parliez il n’y a qu’un instant, elles marcheront d’un pas rapide vers la décomposition ; mais comment ne voyez-vous pas que l’argument que vous en tirez est une véritable pétition de principe ? Depuis quand la liberté abaisse-t-elle les âmes et dégrade-t-elle les caractères ? Ce ne sont pas là les enseignements de l’histoire ; car elle atteste partout en traits de feu que les peuples les plus grands ont été les peuples les plus libres. Si les mœurs se sont avilies, comme vous le dites, dans quelque partie de l’Europe que j’ignore, c’est que le despotisme y aurait passé ; c’est que la liberté s’y serait éteinte ; il faut donc la maintenir là où elle est, et la rétablir là où elle n’est plus.

Nous sommes, en ce moment, ne l’oubliez pas, sur le terrain des principes ; et si les vôtres différent des miens, je leur demande d’être invariables ; or, je ne sais plus où j’en suis quand je vous entends vanter la liberté dans l’antiquité, et la proscrire dans les temps modernes, la repousser ou l’admettre suivant les temps ou les lieux. Ces