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profité, d’une manière durable, à l’établissement du despotisme, en France pas plus qu’ailleurs, chez les nations contemporaines ; et c’est ce qui tout d’abord me fait trouver bien peu conformes à la réalité des choses, vos théories sur la nécessité du pouvoir absolu. Je ne connais, jusqu’à présent, que deux États en Europe complétement privés des institutions libérales, qui ont modifié de toutes parts l’élément monarchique pur : ce sont la Turquie et la Russie, et encore si vous regardiez de près aux mouvements intérieurs qui s’opèrent au sein de cette dernière puissance, peut-être y trouveriez-vous les symptômes d’une transformation prochaine. Vous m’annoncez, il est vrai, que, dans un avenir plus ou moins rapproché, les peuples, menacés d’une dissolution inévitable, reviendront au despotisme comme à l’arche de salut ; qu’ils se constitueront sous la forme de grandes monarchies absolues, analogues à celles de l’Asie ; ce n’est là qu’une prédiction : dans combien de temps s’accomplira-t-elle ?

Machiavel.

Avant un siècle.

Montesquieu.

Vous êtes devin ; un siècle, c’est toujours autant de gagné ; mais laissez-moi vous dire maintenant pourquoi votre prédiction ne s’accomplira pas. Les sociétés modernes ne doivent plus être envisagées aujourd’hui avec les yeux du passé. Leurs