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cipation des hommes soit assurée dans la mesure où elle peut l’être ? Pour ceux-là mêmes que le hasard a fait naître dans les conditions les plus humbles, n’est-ce rien que de vivre dans le sentiment de leur indépendance et dans leur dignité de citoyens ? Mais ce n’est là qu’un côté de la question ; car si la grandeur morale des peuples est liée à la liberté, ils n’y sont pas rattachés moins étroitement par leurs intérêts matériels.

Machiavel.

C’est ici que je vous attendais. L’école à laquelle vous appartenez a posé des principes dont elle ne paraît pas apercevoir les dernières conséquences : vous croyez qu’ils conduisent au règne de la raison ; je vais vous montrer qu’ils ramènent au règne de la force. Votre système politique, pris dans sa pureté originelle, consiste à donner une part d’action à peu près égale aux divers groupes de forces dont les sociétés se composent, à faire concourir dans une juste proportion les activités sociales ; vous ne voulez pas que l’élément aristocratique prime l’élément démocratique. Cependant, le tempérament de vos institutions est de donner plus de force à l’aristocratie qu’au peuple, plus de force au prince qu’à l’aristocratie, proportionnant ainsi les pouvoirs à la capacité politique de ceux qui doivent les exercer.

Montesquieu.

Vous dites vrai.