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vérité que vous voulez bien le dire, lorsque tout à l’heure, par une feinte italienne, il vous plaisait, pour me sonder, de l’attribuer à un caprice de diplomate. Mais, depuis vous, le monde a marché ; les peuples se regardent aujourd’hui comme les arbitres de leurs destinées : ils ont, en fait comme en droit, détruit les privilèges, détruit l’aristocratie ; ils ont établi un principe qui serait bien nouveau pour vous, descendant du marquis Hugo : ils ont établi le principe de l’égalité ; ils ne voient plus dans ceux qui les gouvernent que des mandataires ; ils ont réalisé le principe de l’égalité par des lois civiles que rien ne pourrait leur arracher. Ils tiennent à ces lois comme à leur sang, parce qu’elles ont coûté, en effet, bien du sang à leurs ancêtres.

Je vous parlais des guerres tout à l’heure : elles sévissent toujours, je le sais ; mais, le premier progrès, c’est qu’elles ne donnent plus aujourd’hui aux vainqueurs la propriété des États vaincus. Un droit que vous avez à peine connu, le droit international, régit aujourd’hui les rapports des nations entre elles, comme le droit civil régit les rapports des sujets dans chaque nation.

Après avoir assuré leurs droits privés par des lois civiles, leurs droits publics par des traités, les peuples ont voulu se mettre en règle avec leurs princes, et ils ont assuré leurs droits politiques par des constitutions. Longtemps livrés à l’arbi-