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Pour ce qui les regarde dans leurs rapports avec les gouvernants, je n’ai pas besoin de vous dire que c’est la guerre civile introduite à l’état de ferment, au sein de la société. Le silence du peuple n’est que la trêve du vaincu, pour qui la plainte est un crime. Attendez qu’il se réveille : vous avez inventé la théorie de la force ; soyez sûr qu’il l’a retenue. Au premier jour, il rompra ses chaînes ; il les rompra sous le prétexte le plus futile peut-être, et il reprendra par la force ce que la force lui a arraché.

La maxime du despotisme, c’est le perinde ac cadaver des jésuites ; tuer ou être tué : voilà sa loi ; c’est l’abrutissement aujourd’hui, la guerre civile demain. C’est ainsi, du moins, que les choses se passent sous les climats d’Europe : dans l’Orient, les peuples sommeillent en paix dans l’avilissement de la servitude.

Les princes ne peuvent donc pas se permettre ce que la morale privée ne permet pas : c’est là ma conclusion ; elle est formelle. Vous avez cru m’embarrasser en me proposant l’exemple de beaucoup de grands hommes qui, par des actes hardis accomplis en violation des lois, avaient donné la paix à leur pays, quelquefois la gloire ; et c’est de là que vous tirez votre grand argument : le bien sort du mal. J’en suis peu touché ; il ne m’est pas démontré que ces hommes audacieux ont fait plus de bien que de mal ; il n’est nulle-