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une foi punique. Non-seulement mes desseins seront impénétrables mais mes paroles signifieront presque toujours le contraire de ce qu’elles paraîtront indiquer. Les initiés seuls pourront pénétrer le sens des mots caractéristiques qu’à de certains moments je laisserai tomber du haut du trône ; quand je dirai : Mon règne, c’est la paix, c’est que ce sera la guerre ; quand je dirai que je fais appel aux moyens moraux, c’est que je vais user des moyens de la force. M’écoutez-vous ?

Montesquieu.

Oui.

Machiavel.

Vous avez vu que ma presse a cent voix et qu’elles parlent incessamment de la grandeur de mon règne, de l’enthousiasme de mes sujets pour leur souverain ; qu’elles mettent en même temps dans la bouche du public les opinions, les idées et jusqu’aux formules de langage qui doivent défrayer ses entretiens ; vous avez vu également que mes ministres étonnent sans relâche le public des témoignages incontestables de leurs travaux. Quant à moi, je parlerais rarement, une fois l’année seulement, puis çà et là dans quelques grandes circonstances. Aussi chacune de mes manifestations serait accueillie, non-seulement dans mon royaume, mais dans l’Europe entière, comme un événement.

Un prince dont le pouvoir est fondé sur une