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puissant royaume, je vous l’ai dit ; eh bien ! je chercherais autour de mes États quelque grand pays déchu qui aspirât à se relever, je le relèverais tout entier à la faveur de quelque guerre générale, comme cela s’est vu pour la Suède, pour la Prusse, comme cela peut se voir d’un jour à l’autre pour l’Allemagne ou pour l’Italie, et ce pays, qui ne vivrait que par moi, qui ne serait qu’une émanation de mon existence, me donnerait, tant que je serais debout, trois cent mille hommes de plus contre l’Europe armée.

Montesquieu.

Et le salut de votre État à côté duquel vous élèveriez ainsi une puissance rivale et par suite ennemie dans un temps donné ?

Machiavel.

Avant tout je me conserve.

Montesquieu.

Ainsi vous n’avez rien, pas même le souci des destinées de votre royaume[1] ?

Machiavel.

Qui vous dit cela ? Pourvoir à mon salut, n’est-ce pas pourvoir en même temps au salut de mon royaume !

  1. On ne peut se dissimuler qu’ici Machiavel ne soit en contradiction avec lui-même, car il dit formellement, ch. IV, p. 26, « que le Prince qui en rend un autre puissant travaille à sa propre ruine. »
    (Note de l’éditeur.)